Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "

Jacques Siclier

Critiques

Perspectives du cinéma français – Cannes 1987

Par Joël Magny

Les vrais cinéastes, les grands, vétérans et débutants confondus, sont ceux qui font confiance au cinéma, donc au spectateur. L’un ne va pas sans l’autre. C’est-à-dire qui acceptent, osent s’affronter à l’un comme à l’autre : un respect de la matière filmique comme de la personne du spectateur, mais en sachant que le véritable respect passe par l’agression, l’outrage, le viol. Le contraire de la politesse (du polissage), de la valorisation du spectateur (regarde mon beau gros et grand sujet, ma belle grande et grosse sincérité !). Comme si le projet, grand ou petit, servait de paravent, de cache-sexe, pour éviter d’affronter le cinéma et le spectateur (…).
Une attitude identique caractérise les films à thèmes sentimentaux, comme ceux de Chantal Picault, Accroche cœur, et de Guy Gilles, Nuit Docile. Il y a une identification quasi absolue entre le cinéaste et l’affect de son sujet. Les œuvres ne sont plus que l’expression métaphorique de cette absence de regard, de distance, de désir. Rien d’étonnant à ce que chacun mette en scène un amour qui se défait tandis qu’un autre n’arrive pas à naître ou ne prend consistance qu’en suscitant d’emblée les germes de sa destruction.
(…) Le même jeu de miroirs se retrouve entre l’attitude de Guy Gilles et celle de son héros. Le mince scénario de Nuit docile (un homme quitte sa femme et rencontre un jeune prostitué qui le fascine et avec lequel il se lie d’amitié) semble le prétexte à filmer ce que le réalisateur fait le mieux : les jeunes corps masculins. Mais de même que le héros (Patrick Jouané) est écartelé entre un amour mort auquel il ne peut totalement renoncer et une attirance à laquelle il n’ose s’abandonner physiquement, Guy Gilles se réfugie dans l’esthétisme d’un montage inutilement tarabiscoté et ne traite pas son sujet, abandonnant sur la touche (au bout du téléphone) la femme abandonnée (Claire Nebout) et effleurant à peine l’objet de son regard (Pascal Kelaf).

Cahiers du Cinéma 397 (juin 1987)