" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "
Jacques Siclier
Critiques
Soleil éteint
Au biseau des baisers
L'Amour à la mer
Pop Age
Au Pan Coupé
Vie Retrouvée
Le Partant
Le clair de terre
Proust, l'art et la douleur
Absences répétées
Le Jardin qui bascule
Saint, martyr et poète
La Vie Filmée
La loterie de la vie
Le Crime d'amour
Un garçon de France
Nuit Docile
Quand l'amour meurt
Par Jacques Siclier
Il tourne depuis combien de temps, Guy Gilles? Vingt ans, un peu plus même. Et il reste obstinément, incurablement, un “jeune cinéaste” par sa manière d'écrire et de filmer très “auteur nouvelle vague”. Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. Dans Nuit docile, la part autobiographique est peut-être plus évidente. Patrick Jouané, interprète favori de Guy Gilles, est un peintre; Jean Celan, qui vient de quitter une femme, Stella (Claire Nebout). Un cinéaste, Remy Faber (Philippe Dumont) l'a aimé et filmé depuis son adolescence. Les images de la jeunesse évoquent le passé, sur des cassettes vidéo. Et Stella, venue se réfugier chez Remy, les regarde. Entre les trois êtres, voilà le lien. Jean, pendant toute une nuit, erre dans les rues, se précipite dam toutes les cabines téléphoniques. Pour appeler Stella, pour crier la passion, le désespoir. Jeannot (Pascal Kelaf), un jeune prostitué, l'a abordé, le suit, traverse avec lui les sortilèges de l'ombre, participe peu à peu à son destin. Jeannot vend son corps sans se poser de problèmes. Il est, évidemment, un autre Jean, sorte de confident, d'initié, se cognant à la douloureuse réalité des sentiments parce que, homo ou hétéro-sexualité, ce sera toujours comme cela, chez Guy Gilles. Le désir, l'érotisme sont sublimés par le romantisme. Les sentiment meurent ou font mourir.
Il y a, dans Nuit docile, une poésie nocturne extrêmement prenante, des ambiances étranges, des souvenirs en couleurs beaux comme des impressions de peintre (mais Jean, justement, est possédé par son besoin de création) illuminant le noir et blanc du récit au présent. Il y a, comme toujours, l'esthétisme un peu précieux du cinéaste, protection d'un écorché qui ne veut pas se livrer complètement. Patrick Jouané, Pascal Kelaf, Philippe Dumont, ont des visages d'ambivalence. Carole Nebout, la jeune actrice la plus singulière du cinéma français, brûle de sensibilité. Vers la fin surgit - symbole incarné par Françoise Arnoul, fascinante - une sage-femme dont la mission est de donner la vie. Elle pourrait être la consolatrice, la mère de tous les apaisements, si le vertige dc la mort n’était pas si fort.