" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "
Jacques Siclier
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Par Charles Tesson
Le Crime d'amour de Guy Gilles (ne pas confondre avec Les Crimes de l'amour d'un certain D.A.F. marquis de Sade), du film d'auteur, a surtout l'étoffe, l'affectation. On y retrouve son « petit monde » (bas monde serait plus juste) qui fonctionne à sens unique en prenant pour point de départ un domaine trivial et réputé mineur (fait divers criminel dans le style Détective, roman-photo). Son intervention en tant que metteur en scène consiste alors à donner à tous ces éléments jugés bas, leurs lettres de noblesse, leur grandeur sublime en les amalgamant dans un m'as-tu-vu poétique totalement aseptisé.
Le Crime d'amour commence par un fait divers: un adolescent, témoin d'un crime (en fait, il y est impliqué directement) vend ses renseignements à un journaliste des Nouvelles Littéraires (Richard Berry). Se greffe alors une intrigue policière (autour de deux sœurs jumelles interprétées par Macha Méril) que Guy Gilles aura à coeur de déconstruire. Il s'agit toujours d'afficher une intelligence de seconde main : le matériau ne saurait être convoqué tel quel, brut. On gommera au passage les aspérités sales. Le Crime d'amour fonctionne comme le miroir d'une image d'auteur, très narcissique, renvoyée au public : celle de l'auteur alchimiste (tout ce que je touche devient or et poésie). Cette assurance, cette supériorité de vue sur un matériau qu'il prend avec des pincettes empêche de faire passer la moindre trace d'humour.
Cette opposition du bas et du haut, Guy Gilles la joue sur le mode d'un affrontement schématique et stéréotypé : d'un côte à travers Les Nouvelles Littéraires (censées représenter l'intelligentsia parisienne !), le journaliste intello qui a réussi, le nouveau riche de gauche, et de l'autre, l'adolescent au coeur pur, l'ange, l'enfant de la rue, sans le sou et farouchement anti-intello (pas mal de ressentiment là-dedans, du type Norbert/Subor dans Le Rebelle de Gérard Blain). Une scène emblématise ce rapport. Lorsque l'adolescent (Jacques Penot), lance à la figure de Richard Berry : « Je suis un enfant du ruisseau, je suis né dans le 13e ». L'autre, pour lui faire voir qu'il en est, se met à lui parler en verlan : « Laisse béton ». On aimerait pouvoir rire en toute quiétude mais le film, aveuglé par sa suffisance, ne nous laisse même pas cette possibilité.