Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "

Jacques Siclier

Critiques

Par Jean-Sébastien Chauvin

Réalisé en 1958, à Alger, ce premier court métrage de Guy Gilles suit le parcours de trois personnages solitaires, une fille et deux garçons, âgés de 18 à 30 ans, dont les parcours au gré des ruelles et des plages de la ville sont rythmés par leurs monologues intérieurs. Autour d’eux, la vie s’ébroue, de jeunes couples enlacés avancent nonchalamment, le soleil réchauffe les corps, mais une pellicule invisible semble faire écran, comme s’ils traversaient le monde sans le toucher, incapables de profiter des sollicitations charnelle qui s’offrent à eux. On aura rarement senti autant qu’ici, dans la fugacité à vif de ces quelques minutes, la dissociation d’un être et de son environnement. Les personnages, reclus dans leurs soliloques, sont condamnés à vivre dans l’inappétence du présent, soit qu’ils ont perdu le goût à vivre, soit qu’ils sont arrimés aux images heureuses du passé, soit encore qu’ils vivent dans le fantasme d’un avenir qui, on le sent, ne fleurira jamais. En quelques fragments incandescents, à travers ces trois cœurs en perdition, Guy Gilles qui avait à peine 18 ans aura réussit à créer un feuilleté d’impressions mélancoliques et à saisir des éclats de vie documentaire avec une puissance que démultiplie la fragilité de sa jeunesse. « De toutes façons, demain je partirai » conclu l’un d’eux. Mais demain existe-t-il ?