" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "
Jacques Siclier
Critiques
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Nuit Docile
Par Olivier Séguret
Jean est un peintre malheureux : il quitte sa femme, sublimement belle (Claire Nebout); il rencontre Jeannot un jeune gigolo, qu'il séduit sans le vouloir, il souffre en permanence d'un mal proche de la folie, qu'il ressasse avec anxiété. Il rend visite à de vieux amis, s'essouffle à rechercher partout la beauté, matière à ses peintures. Tout cela, il le fait l'espace d'une nuit, toute une nuit. Cruelle, maléfique, angoissée mais surtout pas docile.
C'est la peinture qu'il aime, avant tout, avant tous. Mais ça ne l'empêche pas de faire la leçon, à Jeannot entre autres, qu'il menace : « Si tu n' aimes pas, tu deviendras un petit fruit sec. » En vérité, c'est lui qui se dessèche, avec la, mort à tout bout de champ dans la tête.
Avec un sujet pareil, Guy Gilles ne pouvait éviter de prendre un gros pari : faire un film de peintre, même s’il use d’un noir et blanc mortuaire, c’est un noir et blanc de coloriste, où, parfois, les vraies couleurs prennent place. Par exemple, dans une même scène, il filme le champ en noir et blanc et le contrechamp en couleurs; ou bien une image en noir et blanc et son reflet en couleurs, etc. Chaleureux, fébrile, mais raté, Nuit docile est un film-déclaration, où se dessine un attachement incroyable aux visages éternels du cinéma français. Passent ainsi comme des ombres fugaces, Jean-Marie Prostier, Pierral, et d'autres, tous saisis avec une bouleversante affection. Mais, par défaut d'histoire, par absence de vrai projet, tous ces éléments encourageants ne tiennent pas ensemble, sinon par une artificielle volonté..
Il y a malgré tout un sommet de beauté dans Nuit docile, une très belle scène où le héros (Patrick Jouané) se revoit enfant-acteur sur un magnétoscope. C'est comme un clip dans le film, c'est remarquablement mis en scène. Si tout avait été de cette trempe, Nuit docile aurait été un rêve. Malheureusement, elle garde pour l'instant le goût d'une douloureuse insomnie.
Libération, 15 mai 1987