Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "

Jacques Siclier

Critiques

Ecran 72 - numéro 10

Solitaire, Guy Gilles poursuit son œuvre à facettes avec obsessions et fantasmes, comme s'il avait derrière lui une carrière de quarante films On pouvait être irrité par le systématisme de ses procédés dans AU PAN COUPE ou LE CLAIR DE TERRE, il n'en restait pas moins qu'il y montrait un diable de talent et une sensibilité à vif qui lui servait de Philosophie.
ABSENCES REPETEES emboîte le pas aux films précédents, mais avec une décision qui force au moins l'attention, sinon l'admiration. Guy Gilles y reconstitue à sa manière (c'est-à-dire en éparpillant l'ordre chronologique et psychologique des événements) vingt-cinq jours de la vie de François Naulet, personnage " imaginaire mais réel ", jeune garçon perdu, drogué, épris d'un ami de son âge, seule lueur au milieu de sa détresse et du monde pourri qu'il hante. On a déjà parlé de Proust et des pointillistes à propos de Guy Gilles : ces références servent non seulement à le situer, mais à rendre compte de sa véritable originalité. Il n'a pas son pareil pour créer une atmosphère dans un salon où meurent lentement les dernières fleurs fanées d'une classe oubliée, ou pour nous entraîner dans la folle ronde des lumières scintillantes d'un luna-park, entre les notes sautillantes de la musique de Jean-Pierre Stora (un auteur un peu trop méconnu), et cela est finalement tout son cinéma : une poésie précieuse et frêle, issue des secrets intérieurs. Dans le cinéma français perclu de rhumatismes, Guy Gilles, avec son petit monde et son équipe, sa sincérité et ses convictions (ABSENCES REPETEES, plus encore que les films précédents, est un manifeste ouvertement homosexuel), s'est créé une place à l'ombre, où il cultive une plante délicate qui pourrait bien croître sans que l'on s'en aperçoive : ABSENCES REPETEES est en tout cas une pousse vivace et élégante.
M.T.

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L’autodestruction par la solitude
(coupure tirée d’un quotidien non identifié)

Guy Gilles, le réalisateur du Clair de Terre, va présenter son nouveau long-métrage, Absences répétées, méditation sur la solitude, histoire d’un jeune garçon qui, un jour rompt les liens qui l’attachent au monde (notamment son travail) et s’isole dans l’univers clos de sa chambre. Il tolère encore quelques amis, sa femme, sa mère et surtout Guy, l’ami de toujours, le plus rare et celui qui est toujours là. Mais il est bien difficile d’aider quelqu’un qui ne veut plus lutter pour vivre. Et peu à peu le vide se fait autour de lui.
Alors François sera bien obligé de sortir, et tout à coup cette solitude qu’il a voulue l’écrase. Il cède à la tentation de la drogue. Quand il voudra revenir à la vie il sera trop tard.

- « François existe, raconte Guy Gilles. Bien sûr son nom n’est pas François Naulet. Il s’appelle Marco X. Je l’ai rencontré dans un café du boulevard Saint-Michel. J’ai pris beaucoup de lui dans la construction de mon personnage, parce qu’il m’a laissé entrer dans sa vie et qu’il m’a fait connaître ceux qui l’entourent et lui ressemblent, et que je crois l’avoir compris. La part du document d’arrête là ".
« L’imaginaire a pris le dessus sur la réalité et j’ai essayé de traduire son trouble, son refus et son autodestruction, en leur cherchant appui et vaillance dans mes troubles et refus. La part de la ressemblance s’arrêtant à la destruction, que je remplace par la construction artistique, film. J’aime donc François comme un autre moi-même.
« C’est Marco qui, il y a quelques mois, a choisi la fin de François, la fin du film. François prend une dose trop forte et meurt. Depuis, d’autres garçons et d’autres filles sont morts dans des couloirs de maisons, dans ces chambres dont ils ne sortaient presque plus, dans la rue, dans des toilettes de café. Comme François Naulet. ». Comme Marco ?

Le rôle de François est joué par un débutant de vingt ans, Patrick Penn. Yves Robert est son père, Nathalie Delon sa maîtresse. D’autre part, Danièle Delorme trouve dans ce film son premier rôle de mère et s’en déclare ravie :
« Il était grand temps. J’en avais assez des personnages de femme petite-fille. Les ingénues de 40 ans, c’est ridicule. J’ai la chance de faire un métier où il n’y a pas de limite d’âge. À 80 ans, j’espère bien jouer les grands-mères ».

R.Q.