Par Frédéric Strauss

Pierre, un jeune homme taciturne, quitte Paris pour retrouver le décor d'un passé dont ne lui restent que des bribes : la Tunisie, où il est né et où sa mère est morte.
Interprété par l'étrange Patrick Jouané, l'acteur fétiche de Guy Gilles, le héros de Clair de terre est une âme mélancolique que rien ne semble pouvoir apaiser ni tirer de sa torpeur. Cet étrange état, entre la douceur et la douleur, fait tout le charme de ce film parfaitement indifférent aux préoccupations de la jeunesse de l'immédiat après Mai 68 et tourné vers le passé. Dans une rue de Paris, une guide retrace la mémoire des vieilles pierres. À Tunis, Pierre retrouve une ancienne amie de ses parents, qui lui raconte sa jeunesse.
La vie, ici, n'est qu'une machine à fabriquer des souvenirs. Et la caméra de Guy Gilles renforce ce sentiment en découpant dans chaque scène des plans fixes pareils à des photos dans un album. Au fil des rencontres de Pierre, le film essaie de proposer une sorte de philosophie de la légèreté pour résister à la nostalgie : " Qu'on rie, qu'on pleure, le temps s'en va " , " Petite recette pour ne pas être triste : il faut en toute chose accepter la vie ", disent des femmes consolatrices. Littéraire, tendance Rimbaud, Clair de terre est aussi un film d'une belle sensibilité, à la fois pudique et à vif.

Télérama (D.R.).