Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "

Jacques Siclier

Critiques

Un long suicide d'hiver

par Jean-louis Bory

Au générique, Jeanne Moreau, avec beaucoup de gentillesse, fredonne une chanson charmante. II y est question de l'amour considéré comme un voyage au long cours, avec vent dans les voiles, tempêtes et lit-navire. Cette chanson nous avertit : pour son quatrième long métrage, Guy Gilles a choisi de nous faire assister à un naufrage.
Celui d'un jeune employé de banque. Il a si peu l'amour des chiffres, qu'il s'absente. Les absences se répètent. Pas seulement à son guichet ou derrière ses machines à écrire et à calculer, mais aussi auprès des autres - sa femme, sa mère, des amis. Si bien que ces absences répétées, finissent par former un long silence, une immense absence au monde. Puis à la vie. Absent au monde, puis absent du monde. Fin. Destin d'une simplicité sans retour, quasi linéaire. Cette ligne descendante, Guy Gilles la suit, la dessine avec ferveur (...)
Dans Absences répétées, la drogue est un épiphénomène. Elle est la manifestation moderne du mal de vivre et du mal à vivre, qui forment une constante du romantisme. (...)
II est tristement évident que la drogue loin de guérir ce dégoût, l'a renforcé. Se droguant parce qu'il voulait s'absenter du monde, François est de plus en plus absent du monde parce qu'il se drogue. Entre dégoût, absence et drogue, inter-réaction en chaîne inévitable. Guy Gilles a construit son film en accord avec le rythme des absences, qu'il date avec précision pour en marquer la répétition accélérée -jusqu'à 'absence définitive. (..)
Guy Gilles sait comme personne voir les mille et un éclairs du spectacle quotidien et de la mémoire. Série de flashes montés vifs, émiettant le réel en notations rapides - ce qui n'empêche pas l'acuité de l'observation ni la précision de la mémoire. Avec ce fourmillement de lumières et de reflets, de visages aperçus dans l'éclair d'un coup d'œil et d'objets une seconde élus par l'attention et le souvenir, Guy Gilles compose une symphonie pointilliste, vrai poème qu'enrichit une bande sonore, musiques, bruits, paroles, montée avec autant de sensibilité habile que les images. Absences répétées laisse l’impresssion d'un chant douloureux, souvent pathétique - impuissance des parents, des amitiés et des amours - mais que l'attention de Guy Gilles à la vie, à la vigueur de son flux, réchauffe de passion. Rien de morbide.


Jean-Louis Bory - Le Nouvel Observateur