Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "

Jacques Siclier

Critiques

Michèle Stouvenot a vu "L'art et la douleur"

Du petit Marcel au narrateur

L'art est le plus court chemin d'un homme à l'autre, disait Proust. La caméra de Guy Gilles fut sans doute pour beaucoup d'initiés le plus court chemin de Proust au téléspectateur. Le réalisateur est d'abord parti à la recherche du " petit Marcel " à travers les lieux privilégiés : Baalbeck ou Cabourg, Illiers ou Combray, le jardin où il est venu jouer.
Une recherche peut-être brouillonne, tout de même efficace puisqu'au bout de cinq minutes on respirait le parfum des chères églantines d'Illiers. Venise dans le brouillard a permis à Guy Gilles de réaliser de jolis plans.
Puisque le narrateur n'est plus, le metteur en scène a imaginé le visiteur au visage romantique à la Musset. Un visiteur qui a frappé à la porte de l'univers proustien : elles lui furent ouvertes par Céleste Albaret, bien sûr, que Proust prit comme modèle pour Françoise, l'irrésistible domestique au langage rude et imagé. Elle a bien changé, Céleste, depuis le portrait-souvenir qui, il y a quelques années, l'avait mise en scène. Elle s'est affinée, elle est moins ronde, moins fruste, mais son langage a perdu de la saveur poétique que l'ignorante savait donner aux mots. Héroïne de Proust, Céleste, maintenant qu'elle a pris de l'importance, ne saurait parler autrement qu'avec un vocabulaire châtié. On dirait presque qu'elle est devenue snob, comme le " petit Marcel ". Mais peut-être, comme Proust, se moque-t-elle un peu d'elle-même.

J'ai donc beaucoup aimé le film de Guy Gilles, film intelligent et sensible. Il a respecté l'esprit plus que la lettre. On entrait chez Proust. Peut-être certains spectateurs n'ont pas touché le fil ténu entre l'œuvre et eux-mêmes. Peut-être. Il faut dire que la voix d'Emmanuelle Riva, qui semble agonir à chaque mot, était exaspérante. Le texte de Proust se suffit à lui-même. Il aurait peut-être été préférable que le lecteur n'exprimât pas de volonté poétique. On aurait écouté avec plaisir par exemple Daniel Ivernel ou bien Jeanne Moreau. Moreau possède la vulnérabilité et l'intelligence du narrateur.