Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Il faut apprendre à renoncer.
Mais, j’ai compris, vivre ce n’est pas se souvenir d’une ville, d’un instant, d’un visage, même si c’étaient les plus beaux du monde.
Pour continuer, il faut apprendre à oublier. "

 

Soleil Eteint

Jean-Pierre Stora

Guy Gilles en compagnie de Jean-Pierre Stora

Cousin germain de Guy Gilles. Il a été le compositeur de la quasi-totalité de ses films, tout en restant un de plus proches compagnons de route du réalisateur.
Parmi ses nombreuses compositions, on signalera également sa collaboration au cinéma avec Gérard Blain (les partitions de Un second souffle, La fortune de Gaspard et Ainsi soit-il) et dans la chanson avec Dalida (Et tous ces regards), Catherine Sauvage (Les fantômes), Mouloudji (L'homme immobile), Anny Cordy (Ulysse), Sylvie Vartan (Comme une goutte d'eau), Serge Lama (Un soleil qui bascule), Roger Hanin (Candy, Je ne peux pas croire) et tout récemment Charlotte Rampling (l'album Comme une femme). Il a par ailleurs travaillé sur des disques de contes, avec entre autres Jean Marais (Quatre contes) et Grace Kelly (L'oiseau du Nord et l'oiseau du soleil). Mais pour les amoureux des films de Guy Gilles, on se souviendra surtout des deux chansons qui scandent deux de ses plus beaux films, Prends le temps (Hervé Vilard) dans Le Clair de Terre, et bien sûr Absences répétées (Jeanne Moreau) dans le film éponyme.

 

Jean-Pierre Stora est actuellement à la recherche d'un éditeur pour un livre qu'il a écrit avec Guy Gilles, sur leur enfance algéroise à la poursuite des vedettes et des autographes. Le livre s'appelle "Les chasseurs d'autographe ont raison de rêver". En voici un extrait :

Elle
C'est sur l'affiche de Willy Rozier, Le Bagnard, que les deux cousins découvrent le fin visage d'une jeune fille blonde, dont ils « enregistrent » le nom : Lili Bontemps.
Un mois plus tard, « miracle », L'Echo d'Alger leur apprend que cette jeune fille blonde va chanter à La Bonbonnière. Au Jour J ils téléphonent. Rendez-vous est pris.
Cheveux longs, grands yeux verts, poitrine moulée dans un pull-over blanc à col roulé, tailleur noir cintré à la taille, assise dans un fauteuil club en cuir de couleur marron, dans le hall de l'hôtel, elle est là, ELLE, Lili Bontemps.
Son tour de chant (répertoire1900, succès de la Belle Epoque) plaira aux Algérois, et de 1952 à 1956, elle se produira régulièrement dans ce même lieu.

Lili (Bontemps)
A chacune de ses venues, les deux cousins la rencontrent ; ils lui font dédicacer (le prétexte est bon pour pouvoir la voir, la revoir) de nouvelles photos. Ils deviennent ses petits amis.
Elle accepte qu'ils la photographient (cher Kodak à soufflet de Maman Gilette). Au jour prévu pour la séance de clichés, ils prétendent que la lumière n'est pas assez belle. Lili, de bonne grâce, veut bien qu'une nouvelle date soit arrêtée.
En fait, leur cœur d'enfant est en émoi.
Ils font du studio de photographie de Georges Kling, rue Géricault, à deux pas de chez eux, leur « laboratoire ». Développement et tirage « le plus vite possible » ; les épreuves seront présentées à Lili. C'est elle qui choisira celles à agrandir (format carte postale, cartonnées, ton chamois, en trois jeux, un, bien sûr, pour Lili, et un pour chacun des cousins).

Lili Bontemps dans "L'amour à la mer"

Les jours passent. Le nouveau séjour de Lili se termine. Elle part lundi.
Dimanche, c'est Lili qui l'a suggéré, elle posera à leurs côtés.
Elle est précise au rendez-vous. Près d'elle, toutefois, un homme d'une trentaine d'années, de type méditerranéen, un peu fort, en costume beige. « Il s'appelle Roger », dit Lili, en faisant les présentations. « Il va être notre opérateur »
La petite équipe sort sur le perron de l'hôtel.
L'appareil photo passe des mains de Guy à celles du « technicien ». Au moment où le petit oiseau est prêt à sortir de la boîte, Guy demande un instant. Il court vers la boutique de fleurs, au sortir de l'hôtel. Il en ramène deux bouquets de violettes.
Face à l'objectif, Guy et Jean-Pierre entourent Lili, à qui, tendrement, ils offrent leurs fleurettes.
La séance de photographie terminée, il faut revenir sur terre.
Ils avaient bien vu, les deux cousins, une grande voiture blanche décapotable, garée à quelques mètres du plateau de « Prises d'images », mais pouvaient-ils imaginer qu'elle allait permettre à ce photographe improvisé de leur enlever leur Lili ?
Lili les embrasse.
« Ce Monsieur m'emmène visiter les hauteurs de votre belle ville ! » leur dit-elle, comme pour s'excuser de les abandonner. « A l'année prochaine, mes petits ».
Elle reviendra. Fidèlement, ils retourneront vers elle.

La voix de Lili
Lili Bontemps ! Les deux cousins l'avaient aimé sur un sourire dispensé sur les murs d'une ville, sur un sourire, sorti d'un écran, pour la première fois, dans le hall d'un palace.
Ils ne l'avaient, toutefois, jamais vue chanter : La Bonbonnière c'était la nuit, et pour les grands, pour les belles dames en robe du soir et les messieurs e smoking.
Avoir, pour le moins, un disque d'elle était devenu pour Guy et Jean-Pierre quelque chose d'évident.
Madame Berger tenait boutique rue Bab-Azoun, près du magasin de Papa Paul. « Lili Bontemps ? Vous savez, ma clientèle est principalement indigène… », leur dit-elle, ajoutant, « Farid El Attrache, Oum Kalsoum, Lyne Monty, Reinette L'Oranaise, Lili Boniche, tant que vous voudrez ; Lili Bontemps, non ! »
Il fallait, dès lors, aller chez Colin, le disquaire où tous les chanteurs de passage – ceux connus, et ceux qui espéraient l'être – signaient leur soixante-dix huit tours. Là, pas davantage de disque de Lili. Aux Galeries de France, généralement bien achalandées, chez Partouche-Music, avenue de la Bouzaréah, site pourvu, parfois, en « produits rares », pas davantage de succès.
Déçus, mais ne s'admettant pas vaincus, les deux cousins décidèrent de classer provisoirement l'affaire !..

L'amour à la mer
Lili – Première

Un bar à Pigalle. Jean-Pierre est aux anges. Il applaudit aux dernières notes d'une chanson interprétée par Lili Bontemps.
« Coupez ! C'est bon. On la refait, quand même, encore une fois, par sécurité. Moteur ! Clap. L'amour à la mer – Lili – 2 ème . »
Non, ce n'est pas un rêve. Jean-Pierre est près de Guy, qui dirige, l'œil collé à la caméra, une séquence de son premier long-métrage, L'amour à la mer – musique de Jean-Pierre Stora.
Le financement total du film n'aura été trouvé que peu à peu, et il aura fallu, en définitive, deux ans pour que cette réalisation menée à Brest et à Paris, vînt à terme.
A La Bonbonnière, bien sûr, ce devait être bien, mais c'était pour tout le monde ; là, au Sélect du boulevard Barbès, transformé en boîte à matelots (pompons rouges et serpentins), Lili – en robe blanche, style Belle Epoque – chante seulement, ou presque, pour eux !