Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Il faut apprendre à renoncer.
Mais, j’ai compris, vivre ce n’est pas se souvenir d’une ville, d’un instant, d’un visage, même si c’étaient les plus beaux du monde.
Pour continuer, il faut apprendre à oublier. "

 

Soleil Eteint

Patrick Jouané

Guy Gilles et Patrick Jouané sur le tournage de "Festivals 1966 cinéma 1967".
Patrick Jouané dans "Playback" (1983) réalisé par Guy Gilles pour l'émission "Moi je".

Rencontré lors du tournage de L'amour à la mer, dans lequel il figure l'espace de quelques plans - il a alors 16 ans-, il ne va plus cesser d'accompagner la destinée cinématographique de Guy Gilles. Il sera tout d'abord le personnage principal d'Au pan coupé, dans lequel il joue pour ainsi dire son propre rôle, le film étant très inspiré de sa propre histoire - assistance, délinquance, prison. Le Clair de Terre et Le Jardin qui bascule l'emmènent sur des terrains plus fictionnels, respectivement romanesques et policiers. Mais c'est moins comme acteur que pour lui-même qu'on le retrouve dans Nuit docile, au centre d'un véritable dispositif d'enregistrement, Guy Gilles scrutant avec tendresse et cruauté le passage du temps sur le visage meurtri de son interprète.

Le cinéaste racontait ainsi leur rencontre (cf. Hors Champ "Cocteau toc toc au cœur") : "Je cherche un soir à Pigalle pour un tournage du lendemain, un garçon pouvant figurer un jeune délinquant. C'était l'appellation d'usage. J'entre dans un bar ouvert la nuit entière, "Le Point du jour", un visage me saute aux yeux : Patrick Jouané. Il s'appelle encore Patrick Jouarné ce soir-là. Nous décidons de faire sauter le R pour que l'on cesse, comme à l'école, de lui dire "bonne journée, mauvaise journée! ", et autres jeux journaliers. Il a gardé ce nom et j'ai gardé cet acteur né en une nuit. “ De toute façon m'a-t-il dit, c'est ce que je voulais faire, du cinéma ou rien ”.

De 1966 à 1987, plus de vingt ans de collaboration, s'étendant aux courts-métrages (Paris un jour d'hiver, Chanson de gestes, Le partant, Côté cour côté champs), aux reportages télé (Ciné bijou, Le cirque des Muchachos) et même aux documentaires : c'est autour de lui que s'articule le dispositif du Genet, Saint, poète et martyr; et c'est lui qui sert de double à Guy Gilles dans l'enquête sur Proust, l'art et la douleur. Cette dimension du "double" est explicite dans Absences répétées : il y interprète un personnage nommé Guy, dont les relations avec François, le personnage principal, sont elles-mêmes très inspirées des ses relations avec Guy Gilles !

Il n'y a jamais eu d'équivalent masculin dans l'œuvre du cinéaste, même si on peut citer, le temps d'un film ou deux, Patrick Penn, Philippe Chemin, Jacques Penot et Pascal Kelaf.

Patrick Jouané a par ailleurs tenu un petit rôle dans Quatre nuits d'un rêveur (1971) : il joue un truand qui se fait abattre dans un film projeté dans une salle de cinéma. Le film dans le film : c'est seulement à cette condition, dans ce dispositif, que Bresson accepta d'employer un acteur déjà expérimenté. Patrick Jouané est aussi apparu dans Midi-Minuit, de Pierre Philippe (1970), et dans le “ pré-loft ” What a flash, de Jean-Michel Barrjols (1972). Il est décédé en juillet 1999. Après un grave accident qui avait laissé de lourdes séquelles, il gagnait sa vie en tant que jardinier. Il apparaît longuement, en 1996, dans le documentaire de Luc Bernard, Lettre à mon frère Guy Gilles, où il raconte son travail avec Guy Gilles avec beaucoup d'intelligence et d'émotion.